Le moral des producteurs bio n’est pas au beau fixe
A Ferme Bio 86, à Mignaloux-Beauvoir, Mathieu Rullier produit des fruits et légumes en vente directe et en panier hebdomadaire.
Les crédits du ministère pour l’aide au maintien et à la conversion en bio ne sont pas à la hauteur des espoirs des agriculteurs d’une filière en plein essor.
Depuis le 27 juillet, les producteurs bio font grise mine. C’est ce jour-là que le ministère de l’Agriculture a pondu un communiqué au contenu très éloigné – selon les intéressés – des promesses électorales et de nature à couper l’élan d’un secteur florissant.
Ils jugent insuffisants, en langage technique, le transfert de 4,2 % des crédits de la PAC du premier pilier (1) vers le deuxième pilier (2), celui qui finance les aides à l’agriculture biologique (3).
Concrètement, ce montant ne pourrait couvrir l’aide au maintien des exploitations bio et la conversion en bio, qui dépasse les prévisions.
« La Nouvelle- Aquitaine respecte ses engagements »
Déjà que les versements des aides 2015 et 2016 interviennent avec un sérieux retard pour s’étaler jusqu’en 2018, c’est quasiment la double peine pour les tenants du bio. « Cette situation serait liée à un problème de logiciel… », ironise un paysan bio. Points de vue.
Mathieu Morin (céréalier à Montmorillon, président de Vienne Agrobio)
« On dépasse les 300 producteurs bio dans le département après la vague importante de ces deux dernières années. Le ministère va à l’encontre de la tendance actuelle avec des consommateurs demandeurs et ce n’est pas très incitatif.
Une conversion bio ne se fait pas du jour au lendemain car les agriculteurs doivent se familiariser avec de nouvelles méthodes de travail et investir dans du matériel.
Concernant l’aide au maintien, les avis sont partagés : certains sont pour, d’autres contre. Ceux-là se demandent pourquoi continuer à aider un système déjà en place et déjà rémunérateur. On est à la croisée des chemins.
En Nouvelle-Aquitaine, Alain Rousset, lui, respecte ses engagements en faveur du bio avec le pacte régional 2017 – 2020 (voir encadré) ».
Mathieu Rullier (fruits et légumes à Mignaloux-Beauvoir)
« Je me suis installé cette année pour vivre de ma passion et je n’ai pas bénéficié des aides à la conversion car je ne viens pas du milieu agricole. Aide ou pas, c’était bio ou rien pour moi.
Ces aides, elles sont faites pour pallier le manque de compétitivité le temps que les exploitations trouvent leur rythme de croisière. Leur réduction n’est pas cohérente. Cela veut dire qu’on n’accompagne pas. On voudrait atteindre un objectif de bio dans la restauration scolaire par exemple mais sans mettre les moyens en place. »
Nicolas Fortin (viandes de bœuf, veau et porc à La Puye, président de la confédération paysanne)
« L’État n’honore pas son contrat. C’est un très mauvais coup pour l’agriculture biologique et pour l’ensemble des mesures environnementales qui permettent progressivement de changer de système. Les agriculteurs vont perdre confiance.
On demande un plafonnement des aides au bio pour ne pas favoriser les grandes structures aux dépens de celles qui créent de l’emploi. »
Dominique Brunet (viande d’agneaux et céréales pour l’alimentation à Pleumartin)
« Je suis dans l’agriculture biologique depuis 31 ans. Ce qui est intéressant, c’est que les mesures du gouvernement ne remettent pas en cause son développement dans la Nouvelle-Aquitaine qui soutient la conversion.
Ce que veulent les gens, c’est une agriculture qui crée des emplois, pas des fermes industrielles. »
L’ancien président de Vienne Agrobio est un farouche opposant à la ferme des taurillons de Coussay-les-Bois.
Bruno Joly (produits laitiers, cultures et lait de vache à Saint-Gervais-les-Trois-Clochers)
« L’agriculture biologique répond globalement à une demande sociétale. Elle est une solution pour l’alimentation et l’environnement. Je le vois avec Agrilocal, une expérimentation auprès de huit collèges lancée cette année. Avec les cuisiniers, cela fonctionne très bien. On joue le jeu mais les crédits sont insuffisants.
Nous demandons au ministre de s’engager à flécher 3 % supplémentaires du premier pilier vers le second rien que pour les aides au bio. C’est clairement un problème politique. Les agriculteurs bio sont un moteur de l’économie locale mais on ne les soutient pas. »
(1) Le premier pilier est consacré aux aides à l’hectare ou aux aides couplées pour certaines productions en difficulté. (2) Le deuxième pilier regroupe les dispositifs de soutien ciblés : aides au développement rural, à l’installation, aux agriculteurs en zone difficile, à l’agriculture biologique. (3) Et aussi les MAEC (mesures agro-environnementales et climatiques) et les ICHN (indemnités compensatoires des handicaps naturels).
en savoir plus
Un pacte régional d’accompagnement
Au mois de juin, la Nouvelle-Aquitaine a adopté les modalités suivantes pour l’accompagnement du bio :
> Aides à la conversion : 18.000 € par exploitation et par an. Ce montant sera porté à 21.000 € pour les nouveaux installés et à 20.000 € en zone « à enjeu eau ».
> Aides au maintien : 10.000 € par exploitation et par an pour les agriculteurs ayant 100 % de leur Surface Agricole Utile (SAU) en bio ou situés dans les zones à « enjeu eau ». 1.500 € par exploitation et par an pour les autres.
> Objectifs : 10 % de la SAU en bio en 2020 contre 5,6 % en 2017 et 20 %
en 2027.
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